jeudi 19 mai 2011

THE BEAVER ou LE COMPLEXE DU CASTOR


de Jodie Foster


Il est 15h30, il fait chaud. Sous le soleil cannois, je rejoins la file d'attente devant la Licorne, à quelques mètres de la résidence. Ce matin, le film ne m'a pas plu mais celui-ci, je suis sûre que je vais l'aimer. Impatiente, je regarde ma montre toutes les deux minutes tandis que les gens s'agglutinent derrière moi. A peine plus d'une heure plus tard nous rentrons enfin, je m'assois sur le fauteuil rouge et une femme vient présenter le film. Le micro est réglé trop fort.  The Beaver, c'est comme cela que s'appelle le film, « ou Le Complexe du castor, pour ceux qui n'ont pas l'accent », précise la femme. Apparemment, il est Hors Compétition mais la réalisatrice américaine, Jodie Foster, mérite à mon avis une Palme d'Or. Cette fois il parait qu'elle apparaît des deux côtés de la caméra. Auprès d'elle, je sais aussi que je verrai le séduisant Mel Gibson. J'ai vraiment hâte. Plus un bruit, le film commence.

91 minutes plus tard, je sors de la salle noire, les yeux humides, le cœur battant. Qu'ai-je vu qui m'a tant touché? J'ai vu un homme dépressif, éloigné de ses proches, près du suicide. J'ai assisté à la rencontre entre cet homme et une marionnette de castor. J'ai senti une relation s'installer entre eux, inattendue, fusionnelle, destructrice enfin. J'ai vu une famille se déchirer, se rattacher, un amour naitre, un enfant découvrir son père, un homme réapprendre à vivre. Je ne raconterai pas tout bien sûr, car je veux que vous ayez autant de plaisir que moi quand vous regarderez ce film magnifique.

Pourquoi ce film m'a-t-il autant plu ? Je vais essayer de vous expliquer. Pour ceux qui trouvent le côté technique rébarbatif, je n'ai qu'un conseil, montez dans votre voiture, roulez jusqu'au cinéma le plus proche et faites-vous votre propre opinion, je suis certaine que nous serons du même avis. Pour les autres qui liront jusqu'au bout, je vais faire de mon mieux. Tout d'abord, le personnage que Mel Gibson interprète magnifiquement m'a beaucoup touché. C'est en effet l'histoire d'un homme terriblement fragile qui sombre dans la schizophrénie, seul moyen pour lui de s'exprimer, d'être lui-même. Les autres personnages, tous attachants et sensibles, escortent le héros dans sa lutte contre la dépression. Il ressort des actions des protagonistes une histoire bouleversante tournée avec sensibilité et grâce par Jodie Foster. La musique accompagne parfaitement le tout, les notes tantôt joyeuses, tantôt mélancoliques d'un piano mettent l'accent sur le pathos, faisant sortir les mouchoirs des poches. Pour donner un effet de douceur la caméra évolue délicatement et les plans s'enchainent de façon fluide. Le tout donne l'impression d'une bulle dans la réalité, de quelque chose d'aussi vrai, fragile et magnifique que les personnages.

De nombreux thèmes sont abordés dans cette fiction, notamment celui de la famille. En effet, on suit l'histoire d'un père absent qui réapprend à connaître les siens par l'intermédiaire d'une marionnette, on voit un fils déçu par son père tenter de gommer leurs ressemblances et on assiste aux répercussions que peut avoir un tel environnement sur un jeune enfant. 

Un autre thème omniprésent est l'ouverture sous différentes formes. Ouverture artistique par les tags de rue, ouverture sur le monde par le trou dans le mur, non ouverture aux autres par un personnage schizophrène et solitaire. Il y a également beaucoup de références à la construction, la destruction et la reconstruction. Une famille construite est éclatée puis soudée à nouveau, ce qui sauve l'entreprise de jouet du héros est un jeu de construction, ce qui rapproche le père et le fils est la création d'objets en bois, la schizophrénie prend fin dans un atelier, la prothèse symbolise un nouveau départ... Il y en a encore de nombreux autres mais je m'arrêterai là. The Beaver est un film sur la vie et ce qui la constitue, l'amour, la famille, la création, la destruction.

Ce que j'ai beaucoup apprécié dans le Complexe du castor, ce sont les décors. Bien qu'à première vue peu originaux, je me suis rendu compte au long du film qu'ils révèlent beaucoup de choses sur l'histoire, ils donnent des informations de façon implicite. Prenons la maison par exemple : ce simple lieu symbolise bien la situation dans laquelle se trouvent les protagonistes. Le fait que les plafonds moisissent, que le mur se brise sous les coups du fils montre que ce qui représente le plus la famille est en train de se briser. Vers le milieu du film, on voit cependant le héros réparer un lavabo avant d'embrasser sa femme, ce qui indique que les choses s'arrangent. Au niveau du décor, j'ai aussi remarqué qu'un matériau revenait sans arrêt à l'écran : le bois. Cela symbolise pour moi à nouveau la vie puisque c'est une matière naturelle contrairement au métal ou au verre mais aussi la force et la fragilité que cela implique. En effet, le bois peut sembler solide mais si on le compare à d'autres matériaux, on se rend compte qu'il n'est en réalité ni éternel ni incassable. Cela renvoie d'après moi à nouveau aux personnages, à leurs sentiments et à leurs relations : solides et fragiles à la fois.


Jaecki Caroline 2nde

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